INSPE
Outils didactiques et/ou dispositifs innovants pour améliorer l’enseignement en EPS
Nicolas Terré - MCF, laboratoire Motricité, Interactions et Performance, Nantes
Cette présentation s’appuie sur une étude menée auprès d’élèves en kayak de mer (Terré, Sève et Huet, soumis) dont l’observatoire, centré sur des récits d’expérience, et les résultats, portant sur l’appropriation de l’environnement, peuvent éclairer des problématiques d’apprentissage et ouvrir de nouveaux possibles pour l’enseignement et la formation. Dans une perspective enactive, l’apprentissage est défini comme « un processus continuel des transformations conjointes d’un individu et d’un environnement, à partir de l’histoire des diverses actions et communications qu’accomplit cet individu dans cet environnement » (Varela, Thompson et Rosch, 1993). Cette hypothèse invite à rechercher les d’apprentissage, non pas du seul côté de l’histoire d’un élève, mais dans l’histoire du couplage entre l’élève et son environnement. C’est le projet dans lequel s’inscrit notre étude. Celle-ci vise à apporter un éclairage sur les processus d’appropriation de l’environnement (au sens large : naturel, humain, matériel) à partir de récits d’expérience rédigés par des élèves au cours d’une séquence de huit leçons de kayak de mer. Nos résultats étayent l’hypothèse selon laquelle l’appropriation d’un environnement repose sur trois processus enchevêtrés (Donin, Theureau, 2019) et dont la compréhension peut apporter une plus-value professionnelle. Le premier processus est l’in-situation. Il se caractérise par le passage d’éléments non distingués et non pertinents pour l’acteur à des éléments distingués et significatifs pour l’acteur. Sa description invite à penser la diversité des élèves et leurs possibles difficultés en termes d’adoption de l’environnement et pas seulement de défauts d’adaptation. Le second processus est l’in-corporation. Il se caractérise par l’intégration d’éléments de l’environnement au corps propre de l’acteur, de telle sorte que ces éléments constituent des aides pour agir. Sa description invite à percevoir l’apprentissage des élèves comme un glissement de la confrontation, l’évitement, la méfiance et la perception d’obstacles vers le partenariat, l’approche, la confiance et la perception d’opportunités pour agir. Le troisième processus est l’in-culturation. Il se caractérise par l’intégration d’éléments de l’environnement dans la culture d’action de l’acteur, renforçant ou transformant son identité individuelle et collective. Sa description invite à penser les sensibilités des élèves moins comme des traits stables que des constructions liées aux qualités que ces derniers attribuent progressivement aux éléments de leur environnement. Cette étude ouvre ainsi de nouveaux possibles pour les interventions des enseignants. Elle plaide en faveur d’un curriculum d’écomotricité dont la progression ne serait pas seulement pensée en termes d’actions, mais autour d’une nécessaire articulation entre des actions, des relations à l’environnement et des modes d’engagement. Nos résultats invitent également à faciliter une rencontre entre le « dedans » (l’expérience des élèves) et le « dehors » (les offres saisies dans l’environnement) par des démarches proscriptives, la conception de dispositifs comme des niches écologiques et des modes de questionnement et de régulation prenant au sérieux les perceptions qu’ont les élèves de leur environnement. En accord avec notre conception de l’activité humaine, ces pistes d’intervention peuvent être saisies comme des offres par les enseignants à condition qu’ils puissent y reconnaître des airs de famille entre la situation étudiée et des situations déjà rencontrées ou dans lesquelles ils se projettent. Cela conforte le choix de mener des études en situation écologique, dont les circonstances sont non seulement précisées, mais aussi exploitées pour illustrer et discuter des pistes d’intervention. Cela conforte aussi le choix de mener des études auprès d’enseignants innovants, capables d’encourager des modes d’engagement similaires chez d’autres processus enseignants, et ouvrant ainsi des possibles en termes de transformations. Au-delà de ces visées transformatives pour les enseignants, cette recherche, par l’observatoire mis en place, peut fournir des pistes de réflexion pour une formation à et par la recherche. Nous défendons l’idée selon laquelle la recherche peut être formatrice pour un enseignant quand elle est de nature notamment à transformer son expérience d’enseignement. L’usage de récits d’expérience peut jouer ce rôle s’il transforme l’engagement (en aiguisant la sensibilité à mettre en intrigue l’activité des élèves), les actions (en adoptant des outils ou des techniques pour enquêter sur les élèves en situation) et la relation avec l’environnement de travail (en amplifiant des événements pouvant passer inaperçus dans le flux ininterrompu d’un cours d’action). Ces pistes restent spéculatives. Elles constituent des offres pour mener d’autres recherches sur les effets de formation du recours aux récits d’expérience.
Informations
- inspe INSPE (inspe)
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- Eric Hrehorowski (ehrehoro@u-bordeaux.fr)
- Eric Tattevin (etattevi@u-bordeaux.fr)
- Stephane Rocher (srocher@u-bordeaux.fr)
- 15 octobre 2021 09:55
- Conférence
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